Oser être soi et respecter son partenaire… ça s’apprend!
Une équipe de chercheurs dirigée par Sophie Higgins aspire à ce que les personnes autistes vivent pleinement leur vie amoureuse et sexuelle, comme elles l’entendent. Pour leur donner un petit coup de pouce, elle développe, implante et évalue un programme d’éducation à la sexualité.
Comme tout le monde, les personnes autistes ont un cheminement personnel quant à leur orientation et leur identité. Comme beaucoup, elles désirent vivre en couple et avoir une vie sexuelle épanouie. Malheureusement, ça ne se passe pas toujours « comme tout le monde ». Elles sont, en effet, plus à risques d’agressions sexuelles, d’infections transmises sexuellement et par le sang, de dépasser leurs limites personnelles, mais aussi les limites socialement acceptables. Elles rencontrent aussi des défis sur le plan sensoriel et des défis de communication.
Pour les aider, elles auront bientôt accès à Connexion Spectrum, un programme d’éducation aux relations saines et à la sexualité. Développé par une équipe de chercheurs et la Clinique Spectrum, le programme s’offre en groupe de 4 à 10 personnes et est animé par deux intervenants formés. Pendant 12 semaines, les participants acquièrent des connaissances sur la sexualité et les concepts qui y sont rattachés. Ils découvrent des pratiques sécuritaires, tant sur le plan de la santé que sur le plan légal, des moyens pour gérer leurs particularités sensorielles, des stratégies pour communiquer avec la personne qui les intéresse, en plus de repérer les comportements qu’ils peuvent améliorer. Ce que Sophie et son équipe souhaitent, c’est de mettre toutes les chances de leur côté. « On veut leur donner la chance de mieux exprimer leur identité et leurs désirs, mais aussi plus de chances de vivre des relations positives et saines », explique-t-elle.
L’année dernière, l’équipe a implanté le programme auprès de 3 groupes d’adultes autistes provenant du Centre intégré universitaire en santé et services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, de la Clinique Spectrum et d’Autisme sans limites, un organisme communautaire de Montréal. En plus d’évaluer l’implantation du programme, elle voulait obtenir un aperçu de ses effets auprès des participants et des animateurs.
S’il reste encore à évaluer le projet auprès d’un plus grand nombre de participants, la chercheuse se dit satisfaite des résultats. « On peut dire que le programme, en tant que tel, est une réussite », mentionne-t-elle. Son contenu est apprécié et les séances se déroulent bien. Non seulement, il permet aux participants de mieux connaître la sexualité et tout ce qui l’entoure, mais il leur permet aussi d’expérimenter des comportements appropriés à l’aide d’activités collectives et de mises en situations. « Les mises en situation, c’est vraiment un aspect ambivalent de notre projet. Les personnes nous ont dit que ça les met parfois mal à l’aise, qu’elles ne les apprécient pas toujours. En même temps, elles nous ont dit qu’elles étaient essentielles parce qu’elles leur permettent d’apprendre concrètement les comportements appropriés. En gros, les mises en situation les sortent de leur zone de confort, mais elles voient vraiment l’utilité de les faire », souligne-t-elle.
Plus à l’aise et plus confiants, les participants ont particulièrement apprécié les séances sur le consentement, sur l’étiquette durant une « date », sur les particularités sensorielles, sur les pratiques et les comportements sexuels acceptables et sur les relations saines. De manière générale, ils ont apprécié le contenu du programme et la formule choisie, c’est-à-dire des séances avec présentation de contenu, documents fournis, ateliers pratiques et discussions. L’ouverture et l’écoute des animatrices comptent parmi les points positifs soulignés par les participants.
La touche finale
À l’heure actuelle, l’équipe apporte les derniers ajustements au programme, en tenant compte des recommandations des participants. Les chapitres les moins appréciés ont été jumelés; d’autres, ont été bonifiés. Les activités ayant remporté moins de succès ont été modifiées. « Dans le chapitre qui aborde les pratiques sécuritaires en ligne, on a ajouté de l’information sur l’intelligence artificielle. Ça bouge rapidement avec l’intelligence artificielle! », précise la chercheuse.
La nouvelle version est prévue à l’automne. Elle sera expérimentée auprès de plusieurs établissements et organismes. « C’est la dernière ligne droite avant de pouvoir le rendre disponible gratuitement dans l’ensemble du Québec », mentionne Sophie. Une visée à laquelle on adhère tous.